C’est d’abord une expérience personnelle.

Je n’ai jamais ressenti d’inégalités entre les femmes et les hommes, ni dans mon travail, ni au sein de mon foyer. J’avais le sentiment que tous les combats avaient été menés, et que ces questions étaient dépassées. Pourtant, rétrospectivement, certaines expériences auraient dû me mettre la puce à l’oreille.

Je me rappelle, enfant, les vacances passées chez ma grand-mère avec mes cousins. Ma grand-mère venait systématiquement nous solliciter, ma sœur et moi, quand elle avait besoin d’aide, alors que mes cousins, du même âge, pouvaient continuer à jouer. A la même époque, à l’école primaire, je me rappelle de mes interrogations quand j’ai appris la règle du « masculin l’emporte sur le féminin ».

L’enfance se passe, arrivent les premiers entretiens d’embauche. Là aussi j’avais apparemment décidé de faire l’autruche. Certaines questions m’ont été adressées alors qu’elles n’auraient jamais été posées à un homme. A l’appui quelques exemples. « Comment, allez-vous gérer votre poste quand vous aurez des enfants ? Les horaires ne sont pas conciliables avec une vie de famille » « Quels sont vos projets de vie ? » Et je ne parle pas des remarques sexistes.

Je m’installe avec un homme charmant. On s’entend sur tout sauf sur les tâches domestiques. Je trouve qu’il exagère un peu quand il m’explique qu’il rencontre de vraies difficultés à faire le ménage. Il pense qu’on ne peut pas être doué dans tous les domaines. Pour appuyer ses arguments, il va même m’expliquer qu’il a le même rapport avec le ménage que moi avec les maths ! C’est pénible, ça sent la mauvaise foi, mais une fois de plus je ferme les yeux.

L’arrivée du premier enfant ! Le tsunami. Pas de solution de garde, ce qui entraîne des difficultés à trouver un poste. Le poids des tâches domestiques s’alourdit incroyablement.  Les études de l’INSEE concernant l’inégale répartition des tâches domestiques me reviennent en mémoire. Je me rappelle avoir lu ces chiffres il y a quelques années, à l’époque je me sentais très peu concernée. Il n’y a pas plus aveugle que celui qui ne veut pas voir. A y regarder de plus près, me voilà bien maintenant dans les stats puisque que je me retrouve à gérer 70% des tâches domestiques.

Quelques mois plus tard, j’ai enfin une place en crèche et un nouveau poste qui suit. Au début je me réjouis car je sors enfin de ce foyer où le travail est dur et mal reconnu (je repense à ma mère qui s’est arrêtée de travailler quelques années pour s’occuper de ma sœur et moi, il me semble ne l’avoir jamais remerciée). Ma joie s’estompe rapidement quand je me rends compte que concilier les deux est une mission d’acrobate.

Après une énième engueulade avec mon conjoint concernant la gestion du foyer, face à tant de mauvaise foi, j’ai décidé de comptabiliser tout le travail domestique que j’effectuais. Ce n’est pas tout de faire, il faut faire savoir. De là est née Maydée. N’ayant pas trouvé l’appli qui correspondait à mes besoins, j’ai décidé que je la développerai moi-même, soit une appli de quantification et de valorisation.

J’ai fait l’exercice, j’ai comptabilisé chaque tâche réalisée. C’est à ce moment que je me suis rendue compte des vertus de la comptabilisation. Cela permet certes de quantifier et de valoriser ce travail invisible. Mais cela permet surtout d’objectiver les pratiques au sein du foyer et de déconstruire certains stéréotypes de genre trop intériorisés. Cet exercice m’a permis de mieux comprendre mes pratiques, et de montrer à mon conjoint le temps que j’allouais à l’entretien de notre foyer. Nous avons été tous les deux surpris par le résultat. Cette démarche nous a permis d’entamer une discussion moins basée sur le ressenti. Mon conjoint n’avait pas conscience de tout le temps que je consacrais à cela. Trop souvent les hommes sont exclus des affaires domestiques depuis leur plus jeune âge, et ils ont aussi des stratégies d’évitement. Moi, je ne me rendais pas compte à quel point j’avais intégré que l’espace domestique était le « mien ».

Bref Maydée est pensé comme un outil d’empowerment pour quantifier, valoriser, comprendre et AGIR !