L’association Maydée, à travers l’application mobile qu’elle édite et ses autres actions (publication de contenus rédactionnels, tutos pédagogiques, …) entend aider les utilisateur.trice.s à s’affranchir des rôles genrés qui leurs sont encore aujourd’hui très souvent attribués, notamment dans la répartition des tâches domestiques. Par exemple, l’idée que les femmes auraient une prédisposition pour le care (« soin » en français) et un goût « naturel » pour les tâches domestiques, « la maison étant leur univers ». Mais elle entend aussi sensibiliser les hommes à l’intérêt de plus s’impliquer dans les affaires domestiques.

Par ailleurs, elle souhaite mettre en lumière, toutes les heures de travail domestiques effectuées par les femmes (nature et volume des tâches effectuées), surtout pour les femmes qui font cela à temps plein. Cette division genrée du travail impacte la vie des femmes. Elle freine leur carrière et entraîne de fait une forme de dépendance économique vis-à-vis du conjoint. Cette dépendance est accrue quand il y arrêt partiel ou complet de l’activité professionnelle. Enfin, nous voulons redonner de la valeur à l’invisible, cet investissement à temps plein est mal reconnu dans sa pénibilité, il est trop souvent considéré comme un vide sur un CV.

article sur la genèse du projet Maydée

C’est d’abord une expérience personnelle.

Je n’ai jamais ressenti d’inégalités entre les femmes et les hommes, ni dans mon travail, ni au sein de mon foyer. J’avais le sentiment que tous les combats avaient été menés, et que ces questions étaient dépassées. Pourtant, rétrospectivement, certaines expériences auraient dû me mettre la puce à l’oreille.

Je me rappelle, enfant, les vacances passées chez ma grand-mère avec mes cousins. Ma grand-mère venait systématiquement nous solliciter, ma sœur et moi, quand elle avait besoin d’aide, alors que mes cousins, du même âge, pouvaient continuer à jouer. A la même époque, à l’école primaire, je me rappelle de mes interrogations quand j’ai appris la règle du « masculin l’emporte sur le féminin ».

L’enfance se passe, arrivent les premiers entretiens d’embauche. Là aussi j’avais apparemment décidé de faire l’autruche. Certaines questions m’ont été adressées alors qu’elles n’auraient jamais été posées à un homme. A l’appui quelques exemples. « Comment, allez-vous gérer votre poste quand vous aurez des enfants ? Les horaires ne sont pas conciliables avec une vie de famille » « Quels sont vos projets de vie ? » Et je ne parle pas des remarques sexistes.

Je m’installe avec un homme charmant. On s’entend sur tout sauf sur les tâches domestiques. Je trouve qu’il exagère un peu quand il m’explique qu’il rencontre de vraies difficultés à faire le ménage. Il pense qu’on ne peut pas être doué dans tous les domaines. Pour appuyer ses arguments, il va même m’expliquer qu’il a le même rapport avec le ménage que moi avec les maths ! C’est pénible, ça sent la mauvaise foi, mais une fois de plus je ferme les yeux.

L’arrivée du premier enfant ! Le tsunami. Pas de solution de garde, ce qui entraîne des difficultés à trouver un poste. Le poids des tâches domestiques s’alourdit incroyablement.  Les études de l’INSEE concernant l’inégale répartition des tâches domestiques me reviennent en mémoire. Je me rappelle avoir lu ces chiffres il y a quelques années, à l’époque je me sentais très peu concernée. Il n’y a pas plus aveugle que celui qui ne veut pas voir. A y regarder de plus près, me voilà bien maintenant dans les stats puisque que je me retrouve à gérer 70% des tâches domestiques.

Quelques mois plus tard, j’ai enfin une place en crèche et un nouveau poste qui suit. Au début je me réjouis car je sors enfin de ce foyer où le travail est dur et mal reconnu (je repense à ma mère qui s’est arrêtée de travailler quelques années pour s’occuper de ma sœur et moi, il me semble ne l’avoir jamais remerciée). Ma joie s’estompe rapidement quand je me rends compte que concilier les deux est une mission d’acrobate.

Après une énième engueulade avec mon conjoint concernant la gestion du foyer, face à tant de mauvaise foi, j’ai décidé de comptabiliser tout le travail domestique que j’effectuais. Ce n’est pas tout de faire, il faut faire savoir. De là est née Maydée. N’ayant pas trouvé l’appli qui correspondait à mes besoins, j’ai décidé que je la développerai moi-même, soit une appli de quantification et de valorisation.

J’ai fait l’exercice, j’ai comptabilisé chaque tâche réalisée. C’est à ce moment que je me suis rendue compte des vertus de la comptabilisation. Cela permet certes de quantifier et de valoriser ce travail invisible. Mais cela permet surtout d’objectiver les pratiques au sein du foyer et de déconstruire certains stéréotypes de genre trop intériorisés. Cet exercice m’a permis de mieux comprendre mes pratiques, et de montrer à mon conjoint le temps que j’allouais à l’entretien de notre foyer. Nous avons été tous les deux surpris par le résultat. Cette démarche nous a permis d’entamer une discussion moins basée sur le ressenti. Mon conjoint n’avait pas conscience de tout le temps que je consacrais à cela. Trop souvent les hommes sont exclus des affaires domestiques depuis leur plus jeune âge, et ils ont aussi des stratégies d’évitement. Moi, je ne me rendais pas compte à quel point j’avais intégré que l’espace domestique était le « mien ».

Bref Maydée est pensé comme un outil d’empowerment pour quantifier, valoriser, comprendre et AGIR !

Commence alors le Hackhathon…

Je réfléchis depuis plusieurs mois à Maydée maintenant. J’ai rencontré de nombreuses personnes. J’ai beaucoup parlé du projet. L’accueil fut très positif chez les femmes : « C’est génial !  Tenez moi au courant dès que l’appli sera lancée ». Certaines femmes se sont même laissées aller à la confidence. Elles m’ont parlé de leurs difficultés ; de la difficulté d’être une wondermum, celle qui gère simultanément carrière et intendance familiale, du manque de reconnaissance ressentie par celles qui s’occupent intégralement de ces tâches, du poids de l’inégale répartition. Du côté des hommes les réactions sont plus mesurées et variées : ça va du « ah c’est une bonne idée (sans plus) » au « c’est bon, on est en 2017 ! c‘est un non sujet ! ». Ces rencontres m’ont confortée dans la nécessité de développer un outil qui rendrait visible ce travail invisible, majoritairement assuré par des femmes, et qui aiderait à mieux gérer la répartition. J’ai la foi, j’ai envie de déplacer des montagnes, mais je n’ai pas toutes les compétences. Je recherche des associé.e.s pour développer le projet plus vite, et parce qu’on réfléchit mieux à plusieurs.

Je me suis inscrite au hackathon #HackEgalitéFH organisé par le ministère des Familles, de l’Enfance et des Droits des femmes avec l’idée de bousculer et d’accélérer le projet (et parce que j’aime les hackathons). Imaginez une salle avec plus de 80 participant.e.s, avec des profils et des compétences différents, qui bossent dur pendant deux jours à penser ou à développer des solutions autour de différentes thématiques pour faire avancer l’égalité entre les femmes et les hommes. Vous vous rappelez de l’odeur de jus de cerveau après une épreuve de 4h au lycée ? Pareil. Toutes les équipes se font challenger, bousculer par des mentor.e.s. On nous a pressé.e.s comme des citrons pour que l’on sorte le meilleur de nous-même, et de très beaux projets ont émergé (http://bit.ly/2nO7TZT). En plus de cette émulation, j’ai rencontré une super équipe. Et oui parce que Maydée, maintenant, c’est une équipe. Nous avons tous une expertise différente mais la même envie de faire bouger les choses. Nous avons ensemble transformé le projet en premier proto. Cybèle nous apporte son expertise en web design, Virginie nous éclaire sur le parcours utilisateur pour que votre expérience soit la plus agréable possible quand vous utiliserez l’application, Sara et Luc sont nos supers développeur.e.s, ils vont coder le projet.

Cerise sur le gâteau, en plus d’avoir rencontré une équipe de choc, nous avons gagné le prix de la ministre lors de ce hackathon. Ce qui signifie que nous allons avoir un beau bureau au Tank, un espace de coworking, mais aussi un suivi assuré par Social Builder et le Ministère des Familles, de l’Enfance et des Droits des Femmes. Avec de telles conditions, un solide accompagnement, nous allons pouvoir vous proposer une version bêta rapidement ! Stay tuned.

Julie, fondatrice et coordinatrice du projet Maydée